
Il est désormais interdit de fumer le narguilé dans le superbe, et un brin kitsch, salon néo-orientaliste de la Mosquée de Paris, situé entre son doux patio andalou et son recherché restaurant.
Pourtant, et par contraste avec certains fumoirs insuffisamment ventilés de la capitale française, même le malin monoxyde de carbone parvenait rarement à infliger quelque mal de tête à ses habitués. En effet, dans ce haut lieu du culte et de la culture, protégé par des plafonds élevés, de grandes portes et fenêtres, les muses s'inspirent mutuellement en suscitant des courants d’air aussi discrets qu'opportuns.
Désormais, on ne peut plus, en ce lieu féerique, observer le spectacle permanent des jeunes filles indolentes fumant le narguilé. Assises sur des sofas de couleur pourpre, elles se prenaient pour des odalisques propulsées hors des toiles orientalistes d’Eugène Delacroix, Jean-Auguste Dominique Ingres ou Jean-Léon Gérôme…
Une Loi aussi positive que stupide et niveleuse assassine à présent le temps vertical du rêve, du calumet oriental et de ses poètes ravis. L’un de ces derniers -comme le sont toutes les Iraniennes et tous les Iraniens, gens au goût et sentiments raffinés, épris d’amour et de paix- écrivit jadis, avant même l’arrivée de la maléfique plante dans sa contrée:
« Le narguilé s’enrichit de tes lèvres,
Et son bec devient une douceur,
Ce n’est point la fumée qui enrobe ton visage,
C’est un nuage qui glisse vers la lune. »
Qalyan zeleb tu bahre wara mikaraded
Ni dur dehen tunishkar mikaraded
Bar kared rah tu dud tunbakunist
Ibrist kah bar kared kamar mikaraded
Plusieurs siècles plus tard, en songeant à la jeune Syrienne d’Alep, Lamartine ferait écho à son frère d’âme iranien:
« Quand, ta main approchant de tes lèvres mi-closes
Le tuyau de jasmin vêtu d'or effilé,
Ta bouche, en aspirant le doux parfum des roses,
Fait murmurer l'eau tiède au fond du narguilé;
[...] De mon cour attiédi la harpe est seule aimée.
Mais combien à seize ans j'aurais donné de vers
Pour un de ces flocons d'odorante fumée
Que ta lèvre distraite exhale dans les airs [...] »
Source: d'après le livre : Le narguilé. Anthropologie d'un mode d'usage de drogues douces [Eng: An Anthropology of Narghile: its Use and Soft Drugs], Paris, Ed. L'Harmattan, 1997, 262 pages.
Note: pardonnez la pauvreté éventuelle de la translittération du poème persan. Or, nous n’avions pour guide que de lacunaires réminiscences scolaires… Toute suggestion sera la bienvenue. Peu importe après tout car l'Orient n’est pas une région cardinale de la terre. Il est « la patrie de jeunesse des âmes; le partout et le nulle part dans l’unification de tous les temps » (Hermann Hesse)
LIRE AUSSI: La puissance de la culture et de son bistouri, l’ethnologie. Le narguilé comme objet voyageur
Prohibition en France et UK, par Yves Traynard
Prohibition en Angleterre illégale
Refus de la Prohibition en Iran: Le calumet de la paix universelle enterré et déterré. L’Iran pris entre prohibitionnisme US, souveraineté et dignité nationales et art de vivre persan
Image: Eugène Delacroix: Femmes d’Alger dans leur appartement (1834)
En collaboration avec notre ami et poète, le Dr Kamal T.C.
Attention : Vous n'êtes pas sur la page d'accueil de l'Observatoire Narguilé et Santé (Chicha et santé, Narghilé et santé, Shisha et santé)(Cancer, nicotine, goudrons, monoxyde de carbone, etc.). Cliquez ICI pour y retourner.
No comments:
Post a Comment